La France, pays des Lumières, de Monet, Klein et Matisse compte plus de 1200 musées de France. Répartis sur l’ensemble du territoire national, ces derniers attirent des millions de visiteurs chaque année. Pourtant, un constat s’impose : malgré la diversité des institutions, leur fréquentation n’est pas homogène et les habitants des milieux ruraux délaissent la culture muséale. La culture est-elle devenue élitiste, trop éloignée des ruraux et réservée aux citadins ?
Le marché des musées français se porte bien. En 2023, une fréquentation record est enregistrée avec près de 32,2 millions d'entrées selon le ministère de la Culture. Le Louvre, musée le plus visité au monde, a accueilli 8,9 millions de visiteurs. Après la pandémie de Covid-19 et une chute de 64% de la fréquentation des musées en 2020, le public semble à nouveau pousser les portes des établissements culturels (+23% en 2021). Bien que les chiffres démontrent que le public est au rendez-vous, ces résultats ne doivent pas occulter l’essentiel : 47% des visiteurs de musées sont des touristes internationaux en 2022. Tandis que les Français vont de moins en moins au musée depuis la fin des années 90, avec une baisse de la fréquentation de 11 points entre 1997 et 2018.
Si la fréquentation des musées par les Français est basse, c’est notamment car le territoire ne bénéficie pas de la même répartition de l’offre culturelle. Et les territoires les plus isolés de la culture sont les milieux ruraux. Les villes et les métropoles sont les centres névralgiques de la culture avec 32% des musées implantés dans les grands centres urbains et 23% dans les centres urbains intermédiaires, alors que les milieux ruraux ne concentrent que 29 % des musées de France selon Le Média.
Les milieux ruraux sont des territoires à faible densité de population où, pourtant, les politiques publiques sont les plus importantes pour encourager et faciliter l’accès à la culture des citoyens. À l’image de la Creuse, qui est le premier département rural en termes de dépenses culturelles, avec un budget de 101 euros par habitant. Une aide à la culture qui ne gomme pas les inégalités.
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Des inégalités qui persistent, puisque le constat est clair : “En matière de culture, on peut affirmer qu’il y a une différence nette entre « l’urbain » et le « rural »” selon la géographe Claire Delfosse dans son ouvrage Culture, inégalités spatiales en milieu rural et politiques en 2011. Dans un sondage CSA pour le ministère de la Culture, 65 % des habitants ruraux n'ont pas visité de musée dans l’année 2022, dont 73% sont issus des CSP- (catégories socio-professionnelles défavorisées, dont les agriculteurs, ouvriers et employés), là où 62 % des cadres avaient fréquenté un musée. Une fracture sociétale qui cache une fracture territoriale puisque c’est dans les milieux ruraux que la fréquentation de musées est la plus basse. Ce phénomène, Olivier Bouba-Olga, économiste français, l’explique par la localisation des catégories sociales. D’après l’INSEE, en 2020, 85,8% des agriculteurs et 42% des ouvriers habitent en milieu rural. Tandis que 79,9% des cadres et 67,7% des professions intermédiaires vivent en milieu urbain.
Cette basse fréquentation, par les habitants de milieux ruraux, peut s’expliquer par les prix. Une enquête du Credoc révèle qu’en 2019, 44 % des Français ont déjà renoncé à une visite en raison du prix d’un billet jugé trop élevé. En 2022, 5,3% des artisans et 1,8% des agriculteurs n’ont pas fréquenté de musées pour raison financière, alors qu’ils ne sont que 0,9% des cadres à avoir fait face à une contrainte économique.
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À l’heure où le Louvre a, par exemple, augmenté son prix d’entrée de 29% en 2024 (de 17 à 22 euros), la question politique de la gratuité fait débat. En 2015, déjà, 49% des Français estimaient que les musées devaient être gratuits pour tous, et 28% estimaient que la gratuité ne devait être accessible qu’à certaines CSP. Ils n’étaient que 20% à penser que tous devaient payer. Et alors que l’actuelle ministre de la Culture Rachida Dati annonce une nécessaire refonte du pass culture des -26 ans qui ne donne pas les effets escomptés, son prédécesseur Jean-Jacques Aillagon avertissait : “Multiplier les offres et les gratuités pour les moins de 26 ans, sans susciter un désir de culture, ne sert pas à grand-chose”.